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Le mal dans le sang

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Rien dans les rues de cette municipalité sage de Géorgie n'évoque le passé de violence et de folie qui a secoué la ville.
publié le 20 août 2007 à 9h15

«Le ciel était blanc comme l'os, et la route mouillée s'étendait devant eux comme un bout de nerf exposé de la terre.» On a beau arriver de Macon, donc aborder Milledgeville par le bout opposé de la route prise par les jeunes héros de «la Fête aux azalées» en visite au notoirement sinistre Georgia Lunatic Asylum, cette partie centrale de la Géorgie frappe par sa normalité, très loin de ce que le nom évoque d'ordinaire, nostalgie aux pêches à la Ray Charles ou Jimmy Rodgers, élégances rock de Gram Parsons, ou grotesqueries d'un Harry Crews. Ce plat pays est aussi loin des mules et des demeurés de marécages qu'il est possible : le musée de la Case de l'Oncle Tom est à quarante bornes, en bordure d'Eatonton, sur la 441.

Vierges unijambistes. Pourtant, malgré son charme ripoliné, Milledgeville est un siège de comté au passé noir et chargé, pas seulement la ville de Flannery O'Connor, l'auteure estropiée des ­«Azalées». En fait, certains ­citoyens de marque, ou qui ont simplement défrayé la chronique, sembleraient bien échappés non de l'asile, mais des pages de la ­demoiselle aux paons, de l'auteure bouffie de cortisone à qui l'on doit une des plus belles collections de monstres comiques de la littérature américaine - un monde peuplé de bébés Jésus momifiés, gorilles et nègres factices, et autres vierges ­unijambistes gravement spoliées. Le monde passablement dérangé de la ­Sagesse dans le sang.

Milledgeville, point noir sur la carte qui