Il est parti à son rythme : trop vite, beaucoup trop vite. Décédé brutalement, samedi à Tokyo, d'une grave maladie du foie, Ken Hongo fut un assistant incontournable pour les correspondants de Libération qui se sont succédé au Japon les vingt dernières années,.
Son brassard de presse était toujours accroché à la manche dès qu'il s'agissait de couvrir une manifestation dans l'archipel, son appareil photo toujours en bandoulière. Ken ouvrait toutes les portes avec la même énergie : celle des cercles politiques nippons si hermétiques, celle des aspirations contradictoires de la jeunesse tokyoïte, celle des mafieux yakuzas. A charge pour Sayuri, sa fidèle épouse, d'assurer derrière la traduction précise des entretiens, ou de compléter ses informations. Ken était boulimique de travail. Il était incapable de dire non à une requête émanant de Libé qui, pourtant, ne le rémunérait qu'à temps très partiel. Son carnet d'adresses était à double fond. Chargé de cours en sociologie dans une université de Tokyo, Ken mesurait mieux que beaucoup de journalistes japonais les abîmes qui menacent son pays. Lui qui n'avait pas d'enfants pestait contre le matérialisme de ses étudiants, en idéalisant la France, restée pour lui celle des philosophes contestataires des années 70, quand il faisait le coup-de-poing à Tokyo contre les bases militaires américaines ou contre la guerre du Vietnam.
La marque du passé pesait lourd : ce descendant de samouraï, dont un aïeul protégeait l'emper