Tanger
envoyé spécial
Aux abords d'une petite route du Rif, entre Ksar el-Kebir et Ouazzane, Ahmed (appelons-le ainsi) ne décolère pas. Après s'être maintes fois assuré qu'il ne serait pas identifié, ce petit cultivateur de cannabis déverse son fiel : «Que veulent-ils exactement, qu'on meure de faim ? Comment je vais nourrir mes cinq enfants maintenant ? Je croule sous les dettes et je n'ai plus un dirham en poche !»
Par deux fois en trois ans, son champ de kif (cannabis) a été entièrement arraché par une opération commando supervisée par la gendarmerie royale équipée de tracteurs. Dans le voisinage, bien d'autres fellahs (paysans) ont vu leurs plantations arrachées ou réduites à néant par des produits chimiques lancés par avion, ou à la machette si le terrain est accidenté. Comme 95 % des cultivateurs de la région, Ahmed n'est pas propriétaire de sa terre et dit payer un prix exorbitant pour la cultiver. «Je ne sais si je pourrai rembourser un jour cette dette.»
Traumatisme. Officiellement, la région de Larache, à une centaine de kilomètres au sud de Tanger, est une «province sans cannabis» . Depuis mai 2005, sous la houlette du très volontariste gouverneur El Aïnaïne ben Khalihema, des campagnes d'éradication de cultures de kif ont été menées manu militari. En particulier autour de Ksar el-Kebir, où plus de 3 500 hectares auraient été «nettoyés» par les forces de l'ordre. Depuis, alors que les mêmes efforts se dirigent cette année