Envoyé spécial à Bruxelles
Guido Gryseels a un privilège rare. Il dirige la seule institution fédérale en terre flamande : le musée royal de l'Afrique centrale. Tous les jours, il reçoit des coups de fil inquiets : «Que va devenir notre musée de Tervuren en cas de séparation ?»«Ce musée est un symbole, il incarne l'unité de la Belgique : un pays, un roi», explique le directeur de ce magnifique château, entouré d'un parc somptueux, construit fin XIXe par le roi Léopold II pour magnifier son aventure coloniale. S'il y a un endroit au monde où la Belgique a été grande, c'est bien au Congo et elle en garde une nostalgie que résume bien l'expression «ça ne nous rendra pas le Congo».
«Pour des raisons différentes - le poids de l'Eglise côté flamand, celui de l'administration côté wallon -, le colonialisme est l'une des rares mémoires communes à tout le pays, note Luc de Heusch, ethnologue et cinéaste à la retraite. D'autant qu'à l'époque, les Flamands parlaient français. Le clivage linguistique n'existait pas encore.» Chaque année, 200 000 visiteurs se rendent à Tervuren, ce qui en fait l'un des cinq premiers musées du pays. Mais il serait faux d'y voir une simple nostalgie de la «Belgique à papa». Là où, en France, l'amnésie a succédé à la morgue - la fermeture du musée des Arts d'Afrique et d'Océanie de la Porte Dorée n'a pas fait l'objet de la moindre discussion publique -, la Belgique a opéré un vrai travail de mémoire. Parallèlement à l