C'est un jour de marché, à Molenbeek, le quartier marocain de Bruxelles (80 000 habitants). On se croirait au pays. Des femmes vêtues de gandoura en croisent d'autres en jean et baskets. Elles sont toutes voilées. Les filles aux cheveux lâchés sont si rares que ce sont elles que l'on remarque. Sur les têtes couvertes, les regards glissent, indifférents. A l'hôtel de ville, on est fier de cette communauté. Dans cet ancien quartier de fonderies et de manufactures, sur neuf échevins (les adjoints au maire Philippe Moureaux, une figure socialiste), trois sont maghrébins. Image d'un ghetto ou d'une société multiculturelle qui, avec 900 000 immigrés (dont 260 000 Marocains) sur une population de 10 millions, s'assume sans complexes ? «Il n'y a pas de modèle belge, tempère Edouard Delruelle, directeur adjoint du Centre pour l'égalité des chances. Mais les pouvoirs publics, qui délèguent facilement, ont toujours eu une neutralité inclusive notamment vis-à-vis des religions.» Et cela se voit à chaque coin de rue.
Anas sirote un café dans un salon de thé exclusivement masculin. Des hommes discutent en arabe. Ça sent la menthe. Sans-papiers de 26 ans, Anas débarque de Hollande : «J'ai été très surpris. Ici, tout est comme au Maroc. C'est la même ambiance.» Yassine, 25 ans, est né en Belgique mais a grandi dans la région du Rif, d'où sont originaires la majorité des Marocains. Ses frères et soeurs (chimiste, coiffeuse et mécanicien) sont belges, tous