Comme si les choses ne pouvaient être pires dans un pays qui, ces derniers mois, se déchire de toutes parts sous l'effet de la contestation politique et de l'extrémisme islamique. Le Pakistan a été plongé jeudi dans un chagrin, une colère et un chaos inimaginables et un avenir politique incertain après le meurtre de Benazir Bhutto. Sa mort va certainement conduire à l'annulation des élections législatives du 8 janvier ainsi qu'à l'imposition de mesures extraordinaires par les militaires: l'état d'urgence ou même la loi martiale. Benazir est morte à trois kilomètres de l'endroit où son père, Zulfiqar Ali Bhutto avait été pendu en 1979 par un dictateur militaire.
Depuis toujours, un conflit cruel a opposé les militaires aux Bhutto, placée à la tête du Parti du peuple pakistanais. C'est pourquoi les caciques du PPP ont aussitôt accusé les militaires d'avoir perpétré le dernier meurtre d'un Bhutto - une hypothèse qui paraît extrêmement improbable. Le recours plutôt classique à un tireur pour abattre Bhutto à coups d'arme automatique, doublé d'un ou deux attentats-suicides à la bombe, porte la marque d'un groupe entraîné par Al-Qaeda.
Gouffre. La tragédie de cette famille - les deux frères de Benazir sont morts, l'un empoisonné, l'autre tué par balles - est inscrite dans les gènes de la sanglante scène politique du Pakistan (un Etat né en 1947). Il y a soixante ans, le Premier ministre Liaquat Ali Khan fut assassiné lors d'un meeting, à l'endroit où Benazir Bhutto a trouvé la mort.