Dans ce petit atelier d’artisans du centre-ville de Tbilissi, Tamara, une couturière de 42 ans, ne veut pas dire pour qui elle a voté. Mais ce n’est pas pour Mikhaïl Saakachvili, l’homme symbole d’une «révolution de la rose» désormais bien fanée. Car elle ne lui pardonne pas la dispersion violente, début novembre, d’une manifestation de l’opposition qui avait rappelé aux Géorgiens les jours sombres du début des années 90, précédant des années de guerre civile. Goderdzi Makharachvili, à la table voisine, soupire : «Tout ce qu’il a promis, il ne l’a pas fait.»
Tamara, Goderdzi et les autres artisans, tous âgés de plus de 35 ans, font partie des perdants des réformes radicales du dirigeant pro-occidental. L'atelier a dû déménager de Pirimze, un immeuble situé sur une place commerçante. Une opération devenue monnaie courante dans le pays,«Saakachvili et son équipe ont vendu toute la Géorgie ! Et il ne nous reste rien !» rumine Vaja, le photographe de l'atelier. Le chômage l'inquiète. «Après 40 ans, on vous renvoie de votre travail. Et on n'arrive à la retraite qu'à 65 ans. Et comment vivre entre-temps ? Il faut voler, ou quoi ?»
Cette crainte est partagée par les jeunes. Juriste frais émoulu de l'université, Mikhaïl Lamazachvili affirme que «70 % des jeunes diplômés sont au chômage», et qu'«on ne peut trouver du travail que par relations». C'est comme ça qu'il a trouvé son emploi d'adjoint au juge d'un tribunal administratif d