Le long de la rue Moi South Lake, à la sortie de Naivasha, une centaine de kilomètres au nord-ouest de Nairobi, un véhicule de commerce s'aventure jusqu'au barrage de pierres posées depuis l'aube. Le chauffeur semble hésiter à faire demi-tour, mais c'est trop tard, la foule excitée, armée de bâtons ou de barres de fer, s'approche en poussant des cris. Ils tentent d'ouvrir la portière, tandis que l'un des passagers brandit deux cartes d'identité, en guise de sésame. L'atmosphère devient soudain euphorique, le pouce levé, les hommes laissent le camion poursuivre sa route. «Ils sont de notre côté !» s'écrie Edwin, 22 ans.
Au même moment, une vieille femme, qui ploie sous la charge d'un gros sac calé sur son dos, tente de se faufiler derrière les buissons. Un des hommes l'aperçoit. «C'est une Luo !» Et la femme, terrifiée se retrouve soudain entourée d'une vingtaine de personnes, qui l'insultent et tentent de lui dérober sa besace. Elle finit par s'échapper et court rejoindre les centaines de familles qui, depuis deux jours, fuyant les violences qui ont éclaté ce week-end à Naivasha, se sont réfugiées dans la station de la police, à la périphérie de la ville, en face de l'hôtel Country Club.
«Pourchasser». Dimanche, dans la ville, plusieurs habitations ont été incendiées, et dix personnes au moins, surtout des femmes et des enfants, ont été brûlées vives, alors qu'elles étaient enfermées. La plupart, tous des déplacés, appartiennent à l'ethnie luo, kisii, ou kalenjin