Les Paraguayens ont encore du mal à y croire. La victoire historique à la présidentielle de Fernando Lugo (56 ans), l'ex- évêque des pauvres suspendu par le Vatican, met fin au régime du parti Colorado (Association nationale républicaine) qui gouvernait le pays depuis 1947. Ils ont enfin vaincu leur peur. Même si les sondages avaient prévu la victoire de l'ecclésiastique à la tête d'une coalition de centre gauche (Alliance patriotique pour le changement), les Paraguayens n'ont jamais sous-estimé la puissance de l'appareil du parti Colorado et son savoir-faire dans la fraude électorale depuis soixante et un ans. Mais finalement, la candidate «officielle», Blanca Ovelar, a reconnu sa défaite rapidement, comme l'avait fait auparavant Lino Oviedo, ancien général putschiste et candidat dissident du même parti. ABC Color, le grand journal de la capitale, Asunción, fête la victoire de Fernando Lugo dans un éditorial virulent : «Le peuple a vaincu ceux qui l'ont humilié, appauvri et trahi.»
A bout de souffle. En un an et demi, Fernando Lugo, ancien évêque de San Pedro, une des provinces les plus pauvres de l'ouest du Paraguay, s'est imposé comme le principal leader d'opposition dans une société où le système politique était à bout de souffle. Le parti Colorado, soutien entre 1954 et 1989 de la dictature du général Alfredo Stroessner, avait instauré un maillage de la société civile basé sur le clientélisme et la corruption qui a figé les structures sociales.
«Au Paragu