Le groupe se presse, bravant l'obscurité. «Allez, plus vite ! Courez ! Les femmes d'abord. Restez groupés. Attention, voilà la migra [la police de l'immigration, ndlr]. Cachez-vous ! Dans le fossé !» Un jeune homme perd sa chaussure dans la boue : «Attendez-moi, ne me laissez pas là !» Les passeurs l'empoignent et le ramènent vers le groupe, qui guette, inquiet, l'issue de cette aventure. La frontière entre le Mexique et les Etats-Unis n'est plus qu'à quelques pas. Les agents de la Border Patrol (police frontalière) aussi. Le rêve d'émigrer pourra-t-il se concrétiser ? On se croirait à la frontière, sur les rives du Rio Bravo, dit Rio Grande en version américaine.
Vacanciers. Mais ici, à une journée de route des Etats-Unis, ce n'est qu'un jeu. Les collines calcaires de la vallée du Mezquital, au centre du Mexique, recréent à merveille les paysages frontaliers du nord. La rivière boueuse qui gronde dans la nuit noire peut faire office de Rio Grande. Les faux passeurs transmettent la brusque nervosité des vrais coyotes, ceux qui guident les sans-papiers de l'autre côté. Sans compter la migra, le surnom de la Border Patrol, incarnée par des figurants : une copie exacte des patrouilles frontalières américaines. Et les participants, emmitouflés, cramponnés à leurs bouteilles d'eau, font presque pitié dans leur course désordonnée. Cette expédition nocturne se répète chaque week-end à El Alberto, sous la houlette