Je m'étais pourtant bien jurée : les poubelles jamais ! Disserter sur le système de tri des déchets en Allemagne, c'est abdiquer au cliché le plus rudimentaire, faire une concession au folklore le plus exaspérant, alimenter bêtement le registre des poncifs sur ce pays, qui oscille encore et toujours entre la fête de la bière, le carnaval et le goût de la discipline. D'autant que j'ai fini par me soumettre et par donner quotidiennement la preuve de mon désir d'intégration dans mon pays d'adoption. Quatre tiroirs bien sages dans ma cuisine : le papier, le verre, les emballages et les déchets biodégradables. Pas moyen de traverser le couloir sans buter sur un panier dont le contenu attend d'être rapatrié vers la décharge qui lui est consacrée. En fin de semaine, les pyramides de journaux donnent à mon bureau des allures de Gizeh.
Ici, le triage des ordures est un métier en soi, une occupation à plein-temps. Cette activité délicate nécessite des qualités dont malheureusement je ne dispose pas : un esprit cartésien, un sens aigu de l'organisation, une discipline de fer, une mémoire d'éléphant, une grosse dose de civisme et une bonne volonté sans faille. Mais je me donne de la peine. J'ai appris à déshabiller avec application les petits pots de yaourt bio de leur manteau de papier et à séparer : le pot dans la poubelle de droite, le manteau dans celle de gauche. Je ne jette plus jamais une pile, mais dépose ces petites bombes toxiques dans le conteneur prévu à cet effet de la drogu