Karim el-Mufti, politologue libanais, spécialiste du monde arabe et ancien conseiller politique du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) à Beyrouth, revient sur l'implication de l'armée dans le conflit libanais.
Quel rôle joue l'armée dans la crise actuelle ?
L'armée libanaise est considérée par l'ensemble des forces politiques comme l'ultime institution étatique qui fonctionne et peut garantir un semblant de neutralité dans le pays. Elle est respectée et bénéficie d'un réel capital de sympathie au sein de l'opinion publique. En même temps, elle est fragile et dispose d'une marge de manoeuvre très limitée. Composée d'à peine 80 000 hommes, sous-équipés, sous-entraînés, l'armée n'a pas les moyens d'imposer l'ordre et privilégie la conciliation politique et sécuritaire pour réguler les crises sur le terrain. Elle doit également composer avec la politisation de ses officiers supérieurs. Jusqu'à présent, ils font esprit de corps mais les militaires ne resteraient pas neutres en cas de renversement de la formule politique en vigueur, ce qui risquerait d'entraîner la division de l'institution militaire. Elle se trouve donc dans une position délicate. Dès lors, l'armée joue aujourd'hui le seul rôle qu'elle peut effectivement jouer, celui d'acteur-tampon, tout en tentant de se tailler, tant bien que mal, un rôle d'arbitre neutre dans la crise politique.
Des leaders de la majorité disent qu'en restant en retrait, elle a en réalité facilité l'avancée des éléments