Une modeste table de bois, quatre chaises en plastique, sur le perron d'une maisonnette qui domine la ville, un peu à l'écart du centre : Fernando appelle ça sa «terrasse». Il offre un tinto, un café noir. Il dit : «Tu vois le jeune qui vient de passer devant ma porte ? Même si je vis ici depuis des années et que je pense connaître tout le monde, je ne peux pas savoir si c'est simplement un jeune qui passe devant ma porte ou si c'est un milicien des Farc, un type qui vient espionner et qui fera son rapport à la guérilla.» D'ailleurs, Fernando a baissé la voix. A 71 ans, cet éleveur a passé la main à ses enfants mais a gardé sa langue : «Ici, tout le monde paie le "vaccin", l'impôt révolutionnaire aux Farc, du plus petit au plus gros éleveur, et celui qui dit le contraire est un menteur, un mec qui n'a pas les couilles au bon endroit.» Ici, à San Vicente del Caguán, en plein coeur de la Colombie, tout le monde ne pense qu'à ça : à la guérilla des Farc. Même si elle n'est plus présente. Ou moins présente.
Négociations. San Vicente del Caguán fut la «capitale» des Farc, de 1999 à 2002. Pendant ces trois ans, cette commune de 60 000 habitants - mais sur une superficie de 300 fois celle de Paris - a été le centre des négociations entre la guérilla et le gouvernement colombien de l'ex-président Andrés Pastrana. Négociations qui n'ont abouti à rien. Mais durant ces trois ans, les Farc ont pu croire qu'elles étaient parvenues aux portes du pouvoir : Andrés