Envoyée spéciale à Longtanpo Les aiguilles de madame Luo ont disparu de la vitrine. La directrice commerciale du Richland International Hospital, clinique de luxe et «premier hôpital du Yunnan», s'affole quand elle s'en rend compte. Un employé la rassure et explique qu'elles ont été retirées la semaine dernière et mises sous clé dans des fioles de formol, dans une pièce sans fenêtres. Leur exposition dans l'élégante salle d'attente avait fini par rebuter les patients. A chaque fois, il fallait raconter l'histoire de Luo Cuifen, la femme aux aiguilles.
Madame Luo habite la maison adossée à la montagne, à des centaines de kilomètres de Kunming. Le village s'appelle Longtanpo, et compte autant de buffles que d'habitants. Une cour et des murs qu'elle partage avec son mari, son fils de 8 ans, ses beaux-parents et quelques poules et cochons. La jument vient de mettre bas. Le chien méchant n'a pas de nom.
Douleurs. Luo Cuifen, 30 ans, se cache sous un grand chapeau pour masquer le dernier symbole de féminité qu'on lui a enlevé. «Ils m'ont coupé les cheveux pour les opérations.» Pendant des années, croyant à une «maladie très grave», elle a ressenti des douleurs à la poitrine et dans les reins, et vu du sang rougir son urine. En 2004, lors d'une visite médicale à Kunming, le chef-lieu de la province, les radiographies de son corps ont révélé «l'incroyable», et donné le vertige aux médecins. Vingt-six traits blancs se découpaient sur les radios au niveau du ventre,