Envoyé spécial à Kisi Le regard figé, Esther Nyakobe, frêle Kenyane d'une cinquantaine d'années, enjambe les tôles noircies et les amas de cendres. Les murs en brique, percés de trous béants à l'emplacement des fenêtres, sont les seuls vestiges de sa maison. «C'était ma chambre, murmure-t-elle. Les armoires, les chaises, les tables, j'ai tout perdu. Ce jour-là, j'étais chez des cousins lorsqu'on m'a appris que ma maison avait été visée, que mon mari avait fui et que sa mère avait été brûlée vive à l'intérieur. Mon mari voudrait bien revenir. On ne me fera rien, mais lui, on l'accuse d'être un sorcier et il sera tué s'il revient.» La belle-mère d'Esther a subi le même sort qu'une quinzaine de personnes accusées de sorcellerie par une foule de jeunes. Un soir de mai, ils ont décidé de rendre justice eux-mêmes et d'incendier une cinquantaine de maisons dans le village de Nyakoe, à une dizaine de kilomètres de la ville de Kisii (ouest du Kenya). Les rumeurs, invérifiables, abondent dans les villages de la région. On parle de telle femme marchant la nuit avec des hyènes, d'un homme qui garde des ossements humains dans sa maison, etc.
Stylo rouge. Depuis ce raid meurtrier, James, son fils de 29 ans, n'ose plus sortir, et craint d'être lui-même accusé de sorcellerie par ses voisins, qui ne lui adressent plus la parole. «Les gens ici ont vraiment changé d'attitude, ils nous évitent. J'ai reçu des menaces, on m'a dit qu'ils allaient venir aussi pour moi. Mais je suis prêt à