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Dissident, exilé, prophète en son pays

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Soljenitsyne condense, plus que quiconque (même Vaclav Havel), la figure citoyenne du dissident, qui, sans autres armes que celles de ses mots, s’oppose à un régime totalitaire.
par Jean-Pierre Thibaudat
publié le 4 août 2008 à 7h00
Nous publions ci-dessous un extrait du long portrait de Soljenitsyne par Jean-Pierre Thibaudat, à paraître demain dans «Libération».

Qu'on l'ait tour à tour soutenu dans ses combats contre le pouvoir soviétique et combattu pour ses idées d'impérialisme pan-russe, qu'on ait lu et relu «Une journée d'Ivan Denissovitch» et oublié d'acheter l'épais dernier tome de son interminable «Roue rouge», qu'on ait admiré le dissident, critiqué l'exilé et observé avec des pincettes l'évolution du vieil homme de retour en Russie, qu'on l'ait aimé comme une idole puis mis au placard comme un amour de jeunesse, Alexandre Soljenitsyne restera l'une des immenses figures du XXe siècle. Comme Voltaire et Hugo il aura été fouillé dans les affaires de son siècle, toisant de ses mots le pouvoir en place.

Comme Einstein et Picasso, il aura été un bourreau de travail. Si l’espagnol résume à lui seul l’art et l’américain la science modernes, le russe Soljenityne ne résume en rien la littérature moderne mais condense, plus que quiconque (même Vaclav Havel), la figure citoyenne du dissident, qui, sans autres armes que celles de ses mots, s’oppose à un régime totalitaire, dans une lutte aussi déterminée que sans autre fin que la mort, celle du régime ou celle de l’homme. Soljenitsyne nous aura montré que face à un monstre aux mille visages, face à un régime poussant l’absence de liberté de parole et le mensonge jusqu’à l’absurde, le combat à mains nues avec pour seules armes l’art et la vérité, tôt ou tard, paie.

Né en 1917, le pouvoir soviétique, monstre enfanté par Lénine et langé par Staline, mourra de crise ca