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La Russie réunie pour l'adieu à Soljénitsyne

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Le défilé des Moscovites venus rendre un dernier adieu à Alexandre Soljenitsyne ce mardi était celui de tous les contrastes, réunissant en un rare instant toute la société russe.
par Moscou, de notre correspondanteLorraine Millot
publié le 5 août 2008 à 7h00

De grosses limousines noires et un petit peuple de lecteurs, souvent âgés, portant quelques oeillets. La foule s'est massée pour rendre un dernier hommage à l'écrivain Soljenitsyne.«Nous sommes venus prendre congé du siècle» résume Nadjeda Antonovna, professeur de musique de 60 ans, venue tout exprès de Toula, à 200 kilomètres de Moscou, en train. «Je connaissais Soljenitsyne depuis 1963, quand ma tante m'avait fait lire Une journée d'Ivan Denissovitch, confie-t-elle. Ce livre m'avait tellement secoué qu'ensuite j'ai suivi toute son oeuvre. Il était la conscience de la Russie».

Son fils Nikita, historien de 32 ans, est l'un des rares plus jeunes visages parmi la petite foule ce matin. Lui aussi se souvient encore avoir entendu la voix de Soljenitsyne dans son enfance, sur les ondes des «radios ennemies»: «Le son était mauvais, et ses textes difficiles à comprendre. On entendait mal mais on comprenait qu'il parlait différemment de tout ce qu'on entendait dans les programmes officiels. Ca m'a marqué pour la vie».

Sous la pluie torrentielle, qui s'abat sur Moscou depuis quelques jours, les pèlerins n'étaient pas très nombreux ce matin, quelques centaines seulement, à avoir fait le déplacement jusqu'à l'Académie des Sciences où le corps d'Alexandre Soljénitsyne doit être exposé toute la journée. «Nos enfants ont d'autres soucis, ils sont plus préoccupés de gagner leur vie que de nourriture spirituelle, soupire Viatcheslav Chkourko, contemplant la maigre foule