De notre correspondante à Moscou. Ce n'était pas l'enterrement de Victor Hugo, qui avait rassemblé une foule de plusieurs millions de personnes en 1885 à Paris : quelques centaines de Russes à peine ont accompagné, hier, la mise en terre d'Alexandre Soljenitsyne, au monastère Donskoï de Moscou. «Vous voyez là le résultat de l'anéantissement de notre intelligentsia», grondait hier Alexandre Krastilevski, un des quelques retraités qui avaient fait le déplacement.
Passivité. A voir l'allée du monastère presque vide hier midi, ce retraité se prend le ventre, comme saisi d'une profonde douleur : «C'est une honte pour notre pays de voir si peu de gens ici. Nous payons d'ailleurs déjà le prix de notre passivité : l'absence de justice et la misère du peuple. Quand on voit aujourd'hui que Staline a une cote de popularité de 40 % en Russie, on comprend que tous les efforts de Soljenitsyne n'ont pas suffi.»
En 1953, dans un contexte tout différent, ce sont des millions de Russes en pleurs qui s'étaient massés pour l'adieu au tyran. Depuis, les obsèques, même celles des plus grands hommes, ne soulèvent guère les foules : les dernières funérailles qui avaient déplacé plusieurs centaines de milliers de Russes avaient été celles d'Andreï Sakharov, un autre pionnier de la lutte anticommuniste, en 1989. A défaut de ferveur populaire, le président Dmitri Medvedev était présent aux obsèques, ayant interrompu spécialement sa petite semaine de croisière sur la Volga prévue en guise