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Libération
Interview

"Il n'y a pas deux Amérique"

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publié le 11 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 11 octobre 2008 à 6h51)

Professeur de sciences politiques à l’université de Princeton, Ezra Suleiman est né en 1941 en Irak. Diplômé de Harvard et Columbia, il est l’auteur de nombreux ouvrages traduits en français dont le dernier, Schizophrénies françaises, sort cette semaine chez Grasset. Voyageur incessant, il a toujours cherché à rapprocher l’Europe et les Etats-Unis, en expliquant l’une et l’autre. Il s’étonne encore des malentendus et de la difficulté pour les Européens, et les Français en particulier, à saisir la complexité de la société américaine.

Dans cette élection historique deux Amérique s’opposent. L’Amérique d’Obama-Biden contre celle de McCain-Palin ou plutôt Palin-McCain ?

Non, ce schéma est une vision simpliste où il y aurait d’un côté l’Amérique des religions, des conservateurs, des traditionalistes, et de l’autre l’Amérique «libérale» (au sens américain) progressiste. Il n’y a pas deux Amérique mais une société tellement complexe que l’on combine dans le même pays des choses très différentes. D’abord la liberté est si avancée que, dans certains Etats, les gays peuvent se marier ou adopter des enfants, ce qui est toujours interdit en France. Dans le même pays, vous trouvez évangélistes et extrémistes. D’ailleurs, les évangélistes ont beaucoup évolué. La jeune génération est moins radicale, plus mobilisée par les œuvres sociales et caritatives que par l’engagement politique. Et, surtout, la majorité des Américains se trouve au milieu, et ne s’intéresse pas à ces questions de valeurs morales ou idéologiques. Ces élections ne sont donc pas le combat du conservatisme contre le libéralisme ou de la droite contre la gau