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Libération
Interview

Il est temps de donner leur chance aux démocrates»

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Francis Fukuyama, philosophe, inventeur de «la fin de l'histoire», dresse le bilan du néoconservatisme, doctrine officielle de l'administration Bush. Néoconservateur actif durant ces années-là, il vire sa cuti et appelle à voter Obama.
publié le 25 octobre 2008 à 6h51
(mis à jour le 25 octobre 2008 à 6h51)

Né en 1952 à Chicago, philosophe, économiste et chercheur en sciences politiques, Francis Fukuyama a accédé à la notoriété mondiale par un simple article, publié en 1989 dans la revue The National Interest, où il avançait l'idée que l'histoire, conçue comme un combat entre des modèles idéologiques rivaux (communisme, totalitarisme, démocratie), venait de toucher à sa fin avec la perestroïka et l'avènement d'un consensus mondial autour de l'idéal démocratique.

Vous étiez un néoconservateur, vous avez étudié avec Alan Bloom, le théoricien du néoconservatisme, vous avez travaillé avec Paul Wolfowitz, le sous-secrétaire d’Etat à la Défense du premier mandat Bush. Aujourd’hui, vous dites que vous n’êtes plus un «néocon», pourquoi ?

Le néoconservatisme est un mouvement intellectuel complexe et divers, où l'on trouve à la fois une réflexion sur l'utilisation de la puissance américaine pour favoriser la démocratie dans le monde et un fort scepticisme sur les tentatives de social engineering, sur l'efficacité des institutions internationales, sur la possibilité d'obtenir des résultats par la contrainte. Je crois que personne n'a compris qu'il y avait un conflit potentiel entre ces deux tendances, jusqu'à la guerre d'Irak, qui était un projet très ambitieux de contraindre une dictature et de construire un état démocratique. Les idéaux néoconservateurs, auxquels j'adhère encore aujourd'hui, viennent d'une gauche qui a subi de nombreuses désillusions, qui croyait que la démocratie et la justice n'étaient pas seulement des principes américains, mais qu'ils étaient valables pour tout le monde et que les Etats-Unis avaient, plus que quiconque, l'obligation de les soutenir partout dans le monde