Thanom Saiveo empeste l'alcool. Son thaï est mêlé de mots khmers et laos au point d'être parfois incompréhensible. A travers les champs boueux et les barbelés, ce paysan nous guide jusqu'au meilleur point de vue sur le temple de Preah Vihear, cet ancien site hindouiste construit au sommet des monts Dangrek par le roi khmer Suryavarman Ier, au XIe siècle. «Vous voyez là-bas, sur la crête, c'est le temple. Il y a deux parties», éructe le villageois. On distingue un vague relief sous la brume qui contraste avec les courbes de la montagne. «Et, là-bas, ça doit être le Cambodge.»
En effet, c’est le Cambodge, si l’on se réfère à la décision de la Cour internationale de justice de La Haye qui, en 1962, a attribué à Phnom Penh le temple de Preah Vihear, sur la base d’une carte établie par la France en 1907, quand le Cambodge était un protectorat français. Malgré cet arrêt, l’ancien temple khmer, situé sur la frontière avec la Thaïlande, reste l’objet d’une amère discorde entre les deux pays. La Thaïlande avait accepté l’arrêt de 1962 sous la pression des Etats-Unis, qui se préparaient à s’engager dans la guerre du Vietnam et voulaient éviter d’attiser les tensions entre Bangkok, leur principal allié de la région, et le Cambodge, alors plus ou moins neutre sous le leadership flamboyant et imprévisible du prince Sihanouk.
«Guerre». En juillet, quand l'Unesco a accepté la requête de Phnom Penh de faire inscrire le temple sur la liste du patrimoi