Dans une petite cabane recouverte d'une simple bâche, Jeanne et Charlotte sont sagement assises derrière une petite table. C'est ici, à la lisière du camp de Kibati, à une dizaine de kilomètres de Goma, dans l'est de la République démocratique du Congo, que ces deux membres de la Croix-Rouge congolaise ont installé la «Maison d'écoute». «Certaines femmes, très en colère, nous racontent tout de suite les violences qu'elles ont subies. Mais d'autres s'assoient en face de nous, et ne font que pleurer», explique Charlotte. Les deux psychologues leur proposent de se reposer dans une chambre afin de reprendre leurs esprits. Rendez-vous est pris pour le lendemain. «Si elle vient avec bonne humeur, ajoute Charlotte, elle va parler.»
Depuis que les combats ont repris au Nord-Kivu, fin août, entre les rebelles de Laurent Nkunda et l'armée congolaise, la population du camp de Kibati a explosé, atteignant 65 000 déplacés. Parmi eux, des victimes de viols. Un nombre infime, une vingtaine selon le décompte de la Croix-Rouge congolaise, a osé pousser la petite porte de la «Maison d'écoute». Car une femme abusée sexuellement est doublement sanctionnée : au traumatisme du viol s'ajoute le rejet par son mari, sa famille et la communauté tout entière. «C'est le poids de la coutume, explique Jeanne. Si cela se sait, la victime n'a pas le droit de rentrer au village, les gens vont lui jeter des pierres.»
Soudards. Depuis des années, les