Jennifer McCann et Brendan McFarlane sont irlandais. Elle est brune et discrète. Il a les cheveux blancs, parle sans frein, mais ne se livre pas. Ils ont les joues roses et les yeux bleus. Ils sont amis, républicains, anciens de l'IRA (Armée républicaine irlandaise), membres du Sinn Féin. Ils ont connu au plus près Bobby Sands, mort après soixante-cinq jours de grève de la faim le 5 mai 1981. Ils ont eu plusieurs vies.
On pourrait commencer leur histoire là. Jennifer n'est pas dans ce café parisien, elle n'a pas encore 47 ans. Elle en a 15 ou 16 quand elle rencontre Bobby Sands à Belfast. «Sa famille habitait à deux rues de la mienne. Il travaillait pour la communauté. Je me souviens qu'il était déjà dynamique, un peu à part, toujours la guitare à la main. Il nous inspirait.» A 18 ans, Jennifer a déjà été arrêtée à cinq reprises. Quelques heures après l'une de ces interpellations, elle reçoit au parloir un mot de Bobby. «J'ai appris que tu étais en prison, je suis désolé. S'il y a quoi que ce soit que je puisse faire.» Quand il lui écrit, voilà plusieurs mois que Bobby Sands et ses camarades emprisonnés dans le camp de Long Kesh ont commencé la Blanket Protest - ils vivent nus sous une couverture, car ils refusent les vêtements destinés aux droits communs. Ils réclament le statut de prisonniers politiques qu'on leur a retiré en 1976 - puis c'est la Dirty Protest - les matons leur ayant confisqué les tinettes dans les cellules, ils se tiennent dans l