Menu
Libération
grand angle

L’épave épitaphe

Article réservé aux abonnés
A la demande des familles des 81 victimes du crash mystérieux du DC9 d’Itavia, en 1980, l’artiste Christian Boltanski signe une œuvre hommage exposée à Bologne.
publié le 25 novembre 2008 à 16h23

«Je voudrais connaître la fin du livre.» «Maintenant que papa est mort, je me sens si seul», souffle une deuxième voix. Puis une troisième : «Comment dire à Bianca que je ne l'aime plus.» Susurrées, les pensées se chevauchent. Certaines ont dû traverser l'esprit des passagers avant l'embarquement sur le vol Itavia 870 qui n'arrivera jamais à Palerme. Ce 27 juin 1980, à l'aéroport Guglielmo-Marconi de Bologne, les vacances se profilent pour nombre d'entre eux. «J'aurais préféré aller en Tunisie, faire de nouvelles connaissances», «pendant huit jours, je ne veux rien faire, seulement dormir, manger et me reposer.» Les voix enchevêtrées sortent de 81 miroirs noirs disposés autour de la carlingue éventrée, 81 victimes d'un mystérieux crash auquel le plasticien français Christian Boltanski dédie une œuvre sur la mémoire, visible dans un musée de Bologne (1).

A 20 h 08, le DC9 de la petite compagnie italienne privée a décollé avec deux heures de retard. Ils sont 77 passagers, dont 13 enfants, et 4 membres d'équipage. Résolutions («je dois travailler pour passer à l'échelon supérieur»). Plénitude, «quelle belle journée, je suis heureuse». On croit déceler une ombre : «Comme elle est belle, Lucia. Je l'aime.» Une autre voix encore : «Il faut rappeler à maman de payer la mensualité pour l'encyclopédie.» Puis l'avion semble piquer pour l'amerrissage mortel. Dans un souffle lent, des recommandations : «Il faut que tu t'occupes de maman