Pour résumer en une formule les bouleversements qui agitent la Thaïlande ces derniers mois - et tout particulièrement ces derniers jours -, on peut dire qu'il s'agit de «la révolution française de 1789, mais à l'envers». Comme la France de l'Ancien Régime, la Thaïlande du XXIe siècle est une société bloquée dans ses contradictions, percluse d'archaïsmes, fortement hiérarchisée, où la notion d'égalité est d'importance secondaire. Mais là où les Mirabeau et les Robespierre du tiers état réclamaient un affaiblissement de l'institution monarchique, plus d'égalité et de justice, les Sondhi Limthongkul et les Chamlong Srimuang de l'Alliance du peuple pour la démocratie (PAD) - le mouvement antigouvernemental à Bangkok, les «chemises jaunes» - réclament moins d'égalité, moins de démocratie et un renforcement de l'institution monarchique dont l'autorité morale est déjà considérable en Thaïlande.
«Autosatisfaction». Quelle est la ligne de séparation entre les «chemises rouges» (les partisans de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra) et les «chemises jaunes» (les opposants au politicien milliardaire) ? Elle est avant tout sociale et régionale. Les «jaunes» sont constitués par tout ce que la Thaïlande comporte de forces conservatrices : bureaucrates, militaires, magistrats, aristocrates, classes moyennes sino-thaïlandaises, petits employés et modestes hommes d'affaires des zones urbaines. Les «rouges», eux, sont les forces politiques qu'a réveillées Thaks