Fin 2002, au détour d'un reportage sur une visite de Lionel Jospin aux Etats-Unis, France Info présente Samuel Huntington à ses auditeurs en ces termes : l'homme «qui avait prévu les attentats du 11 Septembre». L'exemple illustre l'étonnant destin de Samuel Huntington, spécialiste des relations internationales devenu à la fin de sa carrière l'intellectuel américain le plus connu dans le monde, par la seule vertu d'un article publié en 1993 dans la revue des milieux diplomatiques américains, Foreign Affairs, et de son titre qui claque comme un slogan : «The Clash of Civilisations ?» En 1998, lorsque l'article est devenu un livre, le point d'interrogation a disparu. La formule, elle, est restée.
Samuel Huntington s'est éteint à l'âge de 89 ans, mercredi 24 décembre, dans les derniers jours d'une année 2008 dominée par deux événements par rapport auxquels sa théorie semble singulièrement décalée : le krach de la finance américaine, qui plonge le monde entier dans une même crise ; le triomphe de Barack Obama, l'homme qui a grandi au croisement de l'Occident, de l'islam et de l'Afrique, trois des «civilisations» qu'Huntington prétendait irréconciliables. Professeur à Harvard durant cinquante-sept ans, Huntington avait fini par être, pour les opposants à la politique de George W. Bush, le synonyme de l'autisme américain. «Les Iraniens l'adoraient, ils ont même fait des colloques sur lui, car il correspondait à l'image qu'ils veulent avoir de l'Occident : agr