En moins d'une heure, les deux tombes ont disparu sous une mer d'œillets rouges. Comme chaque deuxième dimanche de janvier, des dizaines de milliers d'admirateurs s'étaient rendus, dimanche dernier, au cimetière des Socialistes de Friedrichsfelde, à l'est de Berlin, pour un hommage à Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht. Le 15 janvier 1919, les deux figures historiques de la gauche radicale allemande furent assassinées à Berlin par une milice paramilitaire, alors que l'Allemagne, en pleine révolution, était dirigée par le social-démocrate Friedrich Ebert. A Friedrichsfelde, la foule est grise et taciturne, les visages fermés, le public plutôt âgé et largement masculin. La presse y est mal vue, à l'exception des organes néocommunistes que sont Neues Deutschland et Junge Welt.
«Paix, droiture, courage»
En cette journée glaciale, beaucoup sont venus exprès du fin fond de l'ex-RDA. Comme ce couple de retraités saxons qui assiste à la commémoration chaque année depuis 1985. Cette fois encore, pour le 90e anniversaire de l'assassinat de Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, ils ont acheté trois œillets à l'entrée du cimetière. Un pour Rosa, un pour Karl, le troisième pour Ernst Thälmann, le patron du Parti communiste allemand (KPD) de 1925 à 1933, mort en déportation à Buchenwald en 1944. La femme admire «leur courage, quand aujourd'hui tant préfèrent rester assis au fond de leur fauteuil plutôt que d'agir». Son mari juge le pèlerinage de cette année