A 77 ans, l'homme porte beau. Costume impeccable et boucle d'oreille, Clarence B. Jones aime bien se lever quand il parle. Marque son impatience en interrompant sans cesse son interlocuteur. Comme s'il avait peur que le monde ne saisisse pas l'importance de l'instant présent. A la deuxième question, pourtant, il s'interrompt un long instant avant de répondre, la tête entre les mains. Vous saisit soudain par la manche et ne lâche plus prise. «Ce que signifie l'élection d'Obama ? C'est une consécration, un aboutissement. Quand on a mené le combat que nous avons mené, on a encore du mal à y croire. J'ai vu beaucoup de choses dans ma vie mais je n'aurais jamais pensé qu'un Noir puisse entrer à la Maison Blanche avant ma mort.»
Des «choses», Clarence B. Jones en a vu en effet. Durant toute la lutte pour les droits civiques, il fut l'un des proches conseillers de Martin Luther King. Son confident et ami, aussi. Celui qui a collaboré à la plupart de ses discours, dont le fameux «I have a dream» prononcé le 28 août 1963 sur les marches du Lincoln Memorial à Washington. «C'est un discours que nous avons mis plusieurs jours à écrire. J'ai travaillé dessus à New York et, le 27 août, nous nous sommes tous retrouvés au Willard Hotel, à Washington. Plusieurs conseillers ont donné leur avis puis je suis monté dans une chambre avec Martin pour peaufiner le texte. Je suis à l'origine des sept premiers paragraphes. Tout ce discours était tourné vers l'avenir, vers le futu