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Libération
Portrait

La petite divorcée du Yémen

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Symbole du combat contre les mariages forcés et précoces, la fillette de 10 ans, mariée de force par son père, a rencontré des lycéens de Pantin.
Nojoud Muhammad Nasser, 8, speaks to the media after her divorce was granted by a court in Sanaa April 15, 2008. A Yemeni court ordered Nasser's marriage to a 30-year-old man terminated on Tuesday because she had not reached puberty. The court also ordered the child's family to pay about $250 in compensation to the ex-husband. REUTERS/Khaled Abdullah (YEMEN) (Khaled Abdullah Ali Al Mahdi / Reuters)
par Rozenn Nicolle
publié le 31 janvier 2009 à 6h51
(mis à jour le 31 janvier 2009 à 6h51)

Dix heures du matin, au lycée Lucie-Aubrac de Pantin (Seine-Saint-Denis). Dans une grande salle peu éclairée, 80 élèves attendent. Une petite fille s’avance d’un pas assuré vers son auditoire. Des voix s’élèvent. L’étonnement. Nojoud Ali a 10 ans seulement. Cette jeune fille, originaire de Khardji, dans le nord du Yémen, et installée avec sa famille à Sanaa, la capitale, s’est fait connaître en obtenant le divorce l’année dernière. Aujourd’hui, elle est en France, entourée de son traducteur et des membres de l’association Ni putes ni soumises (NPNS), qui l’ont invitée pour raconter son histoire, retracée dans un livre (1).

Quand, il y a quelques mois, son père lui a dit qu’elle allait devoir se marier, la fillette a refusé. Mais faute de pouvoir nourrir sa famille (deux femmes et quatorze enfants), l’homme a conclu un marché avec un trentenaire de son village, qui a pris Nojoud pour femme contre un petit pécule, une coutume plutôt courante au Yémen. Sans avoir une idée de ce que représente le mariage, Nojoud change de toit, de vie, puis découvre l’autre visage de celui qui avait promis d’être un époux protecteur. Aux questions sur sa nuit de noces, elle ne préfère pas répondre, pour ne pas se remémorer le triste scénario qui se reproduisait chaque soir de sa vie «maritale».

Tribunal. Pendant trois mois, elle a subi abus sexuels et maltraitance, cherchant en vain un recours auprès de sa famille qui «ne pouvait se permettre d'être déshonorée», selon les