Ils sont assis sur le bord du canapé, droits et soudés. Sur la table basse ornant le hall de leur immeuble cossu de Kawasaki, à une trentaine de kilomètres au sud de Tokyo, ils ont posé deux dossiers bleus. Sakie et Shigeru Yokota y rangent toutes les images de leur fille Megumi. Des clichés jaunis côtoient des photos aux couleurs vives, seules traces de leur aînée, enlevée à l'âge de 13 ans par des espions nord-coréens. Trente-deux ans plus tard, les jeunes parents sont devenus des septuagénaires «fatigués», qui n'ont pourtant «pas perdu espoir» de revoir leur fille. Depuis cette nuit d'automne, ils n'ont cessé de frapper à toutes les portes, passant, au gré des recherches, de l'exaltation la plus vive au plus profond abattement.
L’histoire de Megumi aurait pu rester un tragique fait divers. Mais sa disparition - et celle de onze autres Japonais kidnappés par Pyongyang dans les années 70-80 - est devenue une cause nationale brandie par Tokyo de sommets internationaux en visites d’Etat. Après des décennies de silence, c’est un battage continu. Dans ce pays qui dévore des mangas par millions, le gouvernement a fait réaliser une BD sur l’histoire de la jeune fille, suivie d’un dessin animé en 2008. La mère de Megumi vient de faire traduire en anglais un livre de souvenirs sur sa longue quête. La télévision NHK a reçu des injonctions pour multiplier les reportages sur ses chaînes. Chaque année en décembre, a lieu une «semaine des disparus». Et un ruban bleu les