Le cri a troué la minute de silence comme une balle : «Taheya Bouteflika !» (vive Bouteflika). Un jeune s'est approché pour châtier l'impudent. Des adultes le rattrapent : «Pas de violence, ils n'attendent que ça, une provocation !» Puis la petite foule s'est dispersée dans le calme sous l'œil narquois du provocateur. A ses côtés, un homme, épaules carrées, cheveux rasés, veste en cuir noir, filme les manifestants avec une mini-DV. «Harki», lui lance un gosse en faisant un doigt d'honneur. La pluie menace mais ne tombera que plus tard. Il est midi dans le jardin de la maison de la culture de Tizi Ouzou, dédiée à Mouloud Mammeri, le grand écrivain kabyle défunt, l'enfant du pays statufié dans le jardin. C'est là que vient de s'achever le premier des deux seuls meetings de rue du Front des forces socialistes (FFS) pour appeler au boycott de l'élection présidentielle de jeudi. Le même jour, Karim Tabbou, le secrétaire national du parti, est attendu pour une marche à Bejaïa, l'autre grande ville de la Kabylie.
«On a assez souffert». C'est en Kabylie, une région montagneuse et frondeuse à l'est d'Alger, que l'abstention la plus forte est attendue, plus encore qu'aux législatives de 2007, où seuls 10 à 15 % des Kabyles avaient voté. Parce que la région est un fief du FFS, le parti de Hocine Aït-Ahmed (père de l'indépendance et éternel opposant) et du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) de Saïd Saadi, les deux seules forma