Une fois de plus, des coups de feu ont retenti sur l'avenue de Tumaco. La panique n'a duré que quelques instants. Rapidement, les passants s'attroupent autour du corps : c'est le mort de la journée, un de plus dans ce port du Sud-Ouest colombien. «La police va prendre tout son temps pour le ramasser, lâche un habitant. Comme d'habitude.»
Porte de sortie de la première région de production de cocaïne au monde, le Nariño, cette ville de 86 000 habitants est devenue la plus violente de Colombie, avec un taux d'homicide quatre fois supérieur à la moyenne nationale. «Il y a des secteurs où seule une personne sur cinq meurt de cause naturelle», raconte Franco Nascimbene, prêtre de Nuevo Milenio. A quelques maisons de là, dans ce quartier pauvre édifié sur pilotis en rognant sur les mangroves, une famille prépare la veillée funèbre du mort.
Beaucoup des voisins sont d'ex-paysans, expulsés des campagnes par les guerres entre trafiquants. C'est dans leurs anciens villages, parfois à seulement deux heures de Tumaco, que la feuille de coca est cultivée puis transformée en poudre, avant d'être acheminée par un entrelacs de rivières jusqu'à l'océan Pacifique. Là, des barques, des hors-bord ou même des sous-marins artisanaux assurent le transport vers l'Amérique centrale et le Mexique, avant les Etats-Unis. Un négoce dont «l'argent n'apporte que la violence», témoigne une mère de famille, dans une maison faite de planches, au-dessus du marais.
Marine. Son f