Historien et vice-président de l'Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco) à Paris, Eric Meyer analyse la déroute des Tigres tamouls (LTTE), acculés par l'armée sri-lankaise dans une zone de 15 km2 sur la côte orientale de l'île.
L’armée sri-lankaise est-elle venue à bout de la guérilla tamoule ?
Sa puissance militaire est finie. Les Tigres ont perdu beaucoup d’hommes, de chefs, son système de communication a été détruit. L’organisation a indéniablement les reins brisés. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elle ne réapparaîtra pas sous d’autres formes. Le leader des Tigres, Velupillai Prabhakaran, serait encore en vie puisqu’il a été vu il y a quinze jours dans la zone sous contrôle tamoul. Il a d’ailleurs confié la direction des opérations à son fils et au chef des services spéciaux. La guérilla dispose également de militants et de cellules dormantes dans tout le pays. Elle avait des stocks d’armes importants à Puthukkudiyiruppu (nord) qu’elle a rapatriés avec elle dans son dernier bastion. Elle pourrait être capable d’organiser des attentats, comme elle l’a démontré le 10 mars en ciblant plusieurs ministres dans le sud du pays.
Comment Colombo est-il parvenu à affaiblir en quelques mois l’une des guérillas les plus puissantes au monde, qui la tenait en échec depuis plus de vingt ans ?
Il y a d'abord eu la défection de Karuna, le numéro 2 des Tigres, qui a rejoint les forces sri-lankaises en 2004. Ensuite, l'armée s'est professionnalisée depuis l'arrivée, en 2005, d'un faucon à la présidence [Mahinda Rajapakse, ndlr]. Colombo a acheté des vedettes rapides. Le pouvoir a repris le contrôle de la mer dans le nord et l'est de l'île. En 2007 et 2008, les