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Libération

Le doigt d’honneur d’un ouvrier serbe

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Seize ans après la faillite de son entreprise, Zoran Bulatovic s’est coupé une phalange pour réclamer les indemnités dues aux anciens employés.
par Laurent ROUY, NOVI PAZAR (Serbie), envoyé spécial
publié le 12 mai 2009 à 6h51
(mis à jour le 12 mai 2009 à 6h51)

Poussé à bout, il se résigne, ce 24 avril, à jouer le tout pour le tout. Zoran Bulatovic s’enferme dans le local de l’association des employés du combinat de textile en faillite de Novi Pazar, qui réclament depuis seize ans indemnités de départ et arriérés de salaires. Et d’un geste décidé, il se coupe une phalange de l’auriculaire de la main gauche. A l’extérieur, la rumeur enfle, la foule s’amasse dans l’étroit passage qui conduit au petit bureau. Le maire accourt. A temps pour emmener l’homme à l’hôpital. Le drame a attiré l’attention des médias et de la classe politique serbe. Un résultat inattendu même si ni Zoran Bulatovic ni les 1 400 anciens employés du combinat qu’il défend n’ont toujours rien reçu des 11 000 euros qui leur sont dus.

Mosaïque. L'histoire commence il y a plus de vingt ans. En 1987, Zoran, alors âgé de 28 ans, trouve un emploi dans l'entreprise qui sert de poumon à toute la région du Sandzak, située à 300 kilomètres au sud de Belgrade, et à son chef-lieu économique, Novi Pazar. Il est recruté comme serveur au restaurant de l'entreprise. Il fait partie des 4 000 travailleurs autogestionnaires qui produisent, dans une usine aux murs décorés d'étoiles rouges et de slogans à la gloire du socialisme, des rouleaux de tissu destinés à la confection. Une vie simple, réglée, dans un pays qui n'existe plus, la Yougoslavie. Celui que Zoran a «aimé le plus au monde» et qui lui «manque toujours». Une fédération mosaïque de peuples