Une immense foule est massée sur la place centrale de la petite ville de Simferopol, au cœur de la péninsule de Crimée, dans le sud de l'Ukraine. Au micro, un homme lance une prière musulmane et des milliers de mains se lèvent, dans un lourd silence. Les Tatars de Crimée commémoraient lundi le 65e anniversaire de la déportation de leur peuple, principalement vers l'Asie centrale et la Russie, sur ordre de Staline. Leurs médailles épinglées sur le revers du gilet, un foulard bariolé sur les cheveux, les femmes restent fières et droites, malgré la chaleur. Elles racontent comment le 18 mai 1944, le pouvoir soviétique a chassé de leurs terres près de 200 000 Tatars de Crimée, en représailles de leur supposée collaboration avec l'Allemagne nazie. Leurs vies ont basculé en quarante-huit heures.
«Pamphlets». «J'avais 16 ans à l'époque, se souvient Asia. Le voyage a duré des jours et des jours, dans des wagons de marchandises où l'on nous a entassés tous ensemble, les femmes, les vieux, les enfants… Une femme a même accouché dans le train, sans eau, sans air et sans médecin.» Au fil du récit, que la vieille femme raconte dans un étonnant sabir mi-russe mi-tatar, les larmes roulent sur ses joues. Sa voisine, Vasfie, fille de déporté et sœur du leader tatar Mustafa Djemiliev est aussi bouleversée : «Quand les soldats sont arrivés, les gens ont fermé la porte de leur maison et ont mis la clé dans leur poche. Tous pensaient qu'ils allaient vite r