C'est la dernière idée reçue, dominante à droite, très partagée à gauche. Il faut, entend-on partout, des frontières à l'Union, des limites à son extension, fixées sans plus attendre et connues de tous. C'est une urgence, dit-on, la condition sine qua non d'une affirmation de l'Europe car, si les citoyens de l'Union ne savent pas d'avance où elle s'arrêtera, ils comprendront de moins en moins ses finalités, la rejetteront de plus en plus et ne pourront pas, surtout, en faire un espace démocratique - une scène politique, familière et maîtrisable car balisée.
Placée au cœur de son discours de Nîmes par Nicolas Sarkozy, reprise en chœur par Angela Merkel lors de leur meeting commun pour les élections européennes, cette idée paraît tomber sous le sens mais elle n’est que dangereusement fausse, à courte vue et bien frileuse. A la suivre, l’Europe se priverait du plus formidable de ses atouts, d’un avantage dont aucune puissance n’avait bénéficié avant elle.
Aussi loin que remonte la mémoire de l’Histoire, les nations, les empires, les civilisations n’avaient eu que la guerre pour étendre leur influence, élargir leur aire stratégique, économique et culturelle, car ils ne pouvaient le faire que par la soumission des autres. L’Union européenne se trouve, elle, dans une situation exactement inverse. De l’Ukraine à la Turquie, des Balkans à la Géorgie, des peuples entiers veulent la rejoindre, la supplient de leur ouvrir ses rangs, parce qu’ils envient son modèle, aspirent à pa