Sans dire à ses parents où il se rendait, «pour ne pas les effrayer», il est parti seul pour Hongkong, participer à la marche du vingtième anniversaire de Tiananmen. Là, au milieu de la foule dominicale rassemblée à Victoria Park, comme chaque année depuis vingt ans, dans son tee-shirt semblable aux milliers d'autres, Travis, 25 ans, se dit «fier et ému». Même s'il n'en mène pas large : «J'ai peur, la police a peut-être envoyé des agents photographier les Chinois du continent.»
Epidémie. La dernière fois qu'il était venu à Hongkong, par simple curiosité en dehors de toute date sensible, c'était avec un groupe de touristes. Le guide «du continent» avait averti : «Si un seul de vous rapporte un tract ou un tee-shirt "subversif", c'est tout le bus qui aura des ennuis. Le coupable risque deux semaines de prison.» C'était il y a trois ans. Fils de commerçants aisés d'un village de la région du Guangxi (sud), Travis n'avait jamais entendu parler des événements du 4 juin. «J'ai tout découvert l'an dernier, sur Internet. J'ai été déchiré, j'ai remis en question tout ce que je savais, tout ce qu'on m'avait appris. Et je me suis senti très seul, car personne ne veut parler de cela. Depuis je ne suis plus jamais tranquille.» L'autre découverte majeure, pour Travis, c'est Hongkong, cette «autre Chine». Les mêmes gens, qui parlent cantonais, la langue de son village. Qui ont les mêmes soucis de fin de mois. Mais qui on