Zhou Duo, 62 ans, est l’un des intellectuels surnommés «les gentlemen de la place» qui ont fait la grève de la faim au côté des étudiants. Ce réformiste modéré, qui fut enseignant de marxisme à l’Institut des sciences politiques de la jeunesse chinoise à Pékin avant le 4 juin 1989, écrit aujourd’hui l’histoire interdite du mouvement dans des livres et des articles.
Vingt ans après, que reste-t-il en Chine du mouvement du printemps 1989 ?
Le souvenir d’un drame et d’un échec douloureux. Un épisode d’une grande violence, suivi d’un grand silence. La répression, pendant et après, a fait très peur. Aujourd’hui, la grande majorité des gens sont convaincus qu’il est dangereux de s’intéresser à la politique. La censure totale sur cet événement a créé un grand vide intellectuel : la génération d’après 1989 manque totalement d’idéalisme et de curiosité pour l’histoire. Dans les milieux dits intellectuels, à l’exception de certains cercles très restreints, il n’y a plus guère de réflexion sur la politique, la justice, la nation ou le monde. La responsabilité revient au binôme Li Peng et Jiang Zemin, les dirigeants d’après 1989. Ils ont réussi à contrôler les courants de pensée, afin que les gens ne se préoccupent plus que de leur propre intérêt. C’était délibéré. La société chinoise est devenue très vulgaire, on ne s’intéresse plus qu’au matériel, dans une recherche qui semble sans fin. Je vois un énorme recul de la pensée en vingt ans. C’est en cela que le printemps 1989, au-delà des victimes, a été un échec.
Pourquoi seulement un échec ?
Cela a été la victoire des extrémistes des deux c