Observons les Etats-Unis, ceux d’Amérique. La Californie n’est, à aucun point de vue, la Virginie-Occidentale. L’Utah des mormons ne ressemble en rien au Massachusetts. Certains de ces Etats sont plus riches que d’autres. Certains ont aboli la peine de mort, d’autres l’appliquent avec frénésie et chacun a son exécutif et son législatif, son gouverneur et son congrès. De loin, il n’y a que les Etats-Unis mais, vu de l’intérieur, chacun de ces Etats a son histoire, ses lois, ses impôts locaux, une identité si forte que le choix des candidats à la présidence et à la vice-présidence doit tenir compte de cette diversité, aussi grande, en fait, que celle des Etats européens.
C'est en observant ce système fédéral que Victor Hugo avait conçu le rêve des «Etats-Unis d'Europe» et, en disant que ce rêve était l'objectif ultime du processus d'unification européenne, Ségolène Royal vient de dire comment redonner une clarté à une entreprise devenue obscure aux Européens. Ces trois mots, même les plus déterminés des partisans de l'unité de l'Europe n'osaient plus les employer. Par crainte de paraître utopistes, ils disaient «Europe politique» ou «Fédération d'Etats-nations». Etats-Unis d'Europe, on ne peut pas, pensaient-ils, car ce serait rompre avec la Grande-Bretagne, effaroucher les Polonais, susciter de nouvelles querelles bien plus violentes encore que celle du traité constitutionnel. C'est vrai. Les Etats-Unis d'Europe restent un tel chiffon rouge pour tant de gens