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Libération
grand angle

Les enfants perdus du Sénégal

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A Dakar, fourmillent les «talibés», ces enfants abandonnés aux écoles coraniques où ils apprennent surtout la mendicité. Avant de finir à la rue.
publié le 15 juin 2009 à 6h52
(mis à jour le 15 juin 2009 à 6h52)

Comme un coup de pied dans une fourmilière. Des quatre coins du marché de Sandanga, le plus gros de Dakar, les enfants s'enfuient, jaillissant des tôles sous lesquelles ils s'abritaient. Il est 23 heures. L'un d'eux passe tout près d'un policier qui tente de le bloquer d'un grand coup de pied, mais ne réussit qu'à heurter une voiture. Quatre ou cinq autres, moins chanceux, sont tombés entre les mains de la police. Ils sont embarqués dans les voitures. Les gifles tombent. Un flic, désabusé, les regarde : «Encore des talibés.»

En Afrique de l’ouest, ce mot est devenu synonyme de mendiant, de parasite. La racine «talib» est la même que pour taliban, «celui qui étudie». Au Burkina Faso, au Bénin, au Mali ou au Sénégal, l’islamisation a entraîné la création de nombreuses «daaras», les écoles coraniques. Comme celle d’Ibrahim, qui exige que les petits l’appellent Cheikh et qu’ils s’inclinent devant lui. Au rez-de-chaussée d’une maison en construction, ils sont une soixantaine d’enfants, assis à même le sol. La salle de classe sert de dortoir - il suffit de déplier des couvertures pour la nuit.

Marabouts sans scrupule

Il est 6 heures du matin. Les petits ont commencé à réciter les versets du Coran, en langue arabe qu'ils ne comprennent pas. Ils ânonnent en suivant les caractères sur des tablettes en bois. Peu importe que très peu sachent lire : l'exercice est essentiellement phonétique. Les yeux sont embués de sommeil. Ibrahim a la badine à la main, un bout de bois orné d'un