«Espèce de fasciste chinois !» «Fanatique islamique !» «Apostat !» Les injures fusent autour de la table encombrée de chopes de bière et de cartons à dessins au Rahsia, un bar-restaurant moyen-oriental de Jalan Damai. Nous sommes dans le quartier chic de Kuala Lumpur, la capitale, à deux pas des tours jumelles Petronas, emblème de la modernité malaisienne.
Une douzaine d’écrivains, de peintres et de journalistes s’invectivent avec des éclats de rires, tournant en dérision les troubles interethniques qui minent cette fédération de 27 millions d’habitants : 55 % des Malais sont des musulmans, 25 % des Chinois, 7,5 % des Indiens, presque tous d’origine tamoule, le reste se répartissant en diverses ethnies.
Ce panel bigarré reflète la force mais aussi, de plus en plus, la faiblesse de cette nation d’Asie du sud-est qui a fêté il y a deux ans le cinquantenaire de son indépendance. Les tensions entre les communautés s’accentuent et les écarts sociaux se creusent au point qu’une majorité de Chinois et d’Indiens ont le sentiment d’être des citoyens de seconde zone.
Privilèges. Une élite très restreinte de Malais, liés au parti au pouvoir Umno (United Malay National Organisation), s'est enrichie grâce aux contrats publics et aux prébendes, au détriment de la majorité des Malais pauvres. Les Chinois ont leurs propres écoles, séparées de celle des Malais. Les Indiens tendent à être cantonnés dans des emplois peu qualifiés, comme manœuvres ou cha