Les livres de journalistes ne sont pas toujours recommandables. Le Procès des Khmers rouges que vient de signer Francis Deron, décédé vendredi des suites d'un cancer (lire ci-dessus), déroge à la règle. En deux phrases d'introduction, Deron empoigne son lecteur : «Les salauds ont toujours d'excellentes raisons d'être ou d'avoir été des salauds. A leurs propres yeux, d'abord ; mais aussi aux yeux de certains de leurs contemporains.»
Ce n'est pas qu'une question de style et de formule. Car, mine de rien, l'ancien correspondant de l'AFP et du quotidien le Monde à Pékin et Bangkok, ramasse en une poignée de signes l'esprit de ce livreenquête foisonnant.
Francis Deron revendique un parti pris et s'y tient sans faiblir. Il ne se résout pas à entendre aujourd'hui le discours qui tend à «asseoir Pol Pot et ses lieutenants à une place moins sinistre du XXe siècle». Comme il se refuse à leur «prêter l'incompétence d'apprentis sorciers dépassés par les forces qu'ils ont mises en branle». Pour occulter un peu plus la réalité d'une extermination centralisée et systématisée. Le journaliste dresse le bilan «inouï de trois années et demi d'une complète désintégration sociale». Son livre n'est pas une longue enquête tranquille, mais plutôt un voyage ébouriffant de trente ans de reportages et de rencontres au Cambodge et en Asie. Une plongée abyssale dans le néant pervers.
Entre le 17 avril 1975, quand les Khmers rouges s'emparent