Aung San Suu Kyi s’était préparée au pire. Ces dernières semaines, elle a demandé à ses proches de lui procurer des médicaments et des livres, notamment des romans d’espionnage de John Le Carré et une biographie de Churchill. Pour tenir. Comme elle tient depuis vingt ans et sa première assignation à résidence, le 20 juillet 1989. Cet été-là, elle avait inauguré un long cycle d’arrestations-condamnations-libérations-détentions à domicile. Depuis, elle aura passé près de quatorze années en prison ou en résidence surveillée. Nelson Mandela mis à part, c’est presque un record pour un dirigeant politique et, à coup sûr, pour un prix Nobel de la paix.
«Unité». La junte a usé de toutes les ficelles pour lui barrer la route : la neutraliser dans sa grande maison du 54 University Avenue, dans le cœur de Rangoun, la boucler dans une cellule du centre pénitentiaire d'Insein, au nord de l'ex-capitale, ou la faire comparaître lors de parodies de procès. Car le régime sait pertinemment que, malgré ses années d'embastillement, la dame, âgée de 64 ans depuis le 19 juin, reste très populaire. «Dans ce pays en proie à la divisionnite aiguë, elle a su faire l'unité autour de sa personne, constate Thierry Falise, biographe de l'opposante birmane. Et c'est vrai qu'il émane de cette femme mince et gracieuse une force et un caractère de fer. Même si les jeunes ne la connaissent pas très bien, elle reste un modèle.»
Quand elle arrive, en avril 1988, au chevet de sa