Deux tourbillons se partagent la place Kote Sangui, dans le quartier du même nom, dans l’ouest de Kaboul. Un tourbillon de poussière grise qui enveloppe les journaliers hazaras, allongés à même le sol ou couchés dans leurs brouettes, prêts à louer leurs bras pour une poignée d’afghanis. Au-dessus d’eux, un autre tourbillon, cette fois de panneaux publicitaires, pour une bonne dizaine de candidats à l’élection présidentielle de demain. A cette sarabande de couleurs vives, de photos et de symboles, les journaliers ne prêtent aucune attention. Pour eux qui vivent au ras du sol, sur le fil du rasoir de la faim, dans une immobilité sans fin, la politique appartient à un monde supérieur. Ce n’est pas tant la menace des talibans qui les éloigne des urnes que leur vie difficile.
«Pourquoi irais-je voter ? Depuis ce matin, personne ne m'a proposé le moindre travail. C'était différent lorsque je vivais en Iran et au Pakistan. J'ai commis l'erreur d'écouter Karzaï, qui a demandé aux réfugiés de rentrer, lance avec une grande véhémence Jan Mohammad, Pachtoun de 25 ans. Chaque soir, quand je rentre, ma femme et mes enfants me demandent : où est le pain, où sont les fruits que tu devais nous rapporter ?» Impossible de continuer la conversation. La présence d'un journaliste étranger a fait converger tous les tire-goussets du coin. Ehsan Mehrangais, le directeur d'une association qui s'occupe des enfants des rues, avait prévenu : «Les pauvres ne vont pas aller voter. Ce