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Libération
TRIBUNE

A propos du voile, haïk, hijeb, niqab

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par Leïla Sebbar, écrivaine.
publié le 21 août 2009 à 6h52
(mis à jour le 21 août 2009 à 6h52)

Dans l'enfance coloniale en Algérie, je voyais les femmes en voile blanc, le haïk, léger, gracieux et leurs gestes pour le maintenir contre le vent ou la main d'un enfant qui tirait le coin de l'étoffe, et ça glissait. Je n'ai jamais pensé, les voyant, à des fantômes et que leur voile ressemblait à un linceul, comme le racontait la littérature coloniale. Je les regardais, étrangères, des femmes invisibles que je ne verrai pas, que je ne connaîtrais pas, je n'en avais pas le désir, mais des femmes musulmanes qui allaient d'un pas assuré au marché, au dispensaire, au cimetière ou jusqu'au marabout du saint, jusqu'aux maisons européennes du village colonial, petites bonnes.

Pour moi, ces femmes voilées, leurs pas sur les chemins de terre et les nouvelles rues goudronnées, les corps si présents sous les plis mouvants du voile, ces femmes habitaient cette terre-là, le paysage travaillé par les pères, maris, frères, cousins, saisonniers, ouvriers agricoles dans les domaines, la terre leur appartenait, pas les domaines ni les maisons de pierre… Mais elles marchaient dans leur voile blanc comme si.

Avec les années de la guerre de libération, le voile a parlé pour elles, disant la résistance et qu’elles étaient de ce pays, leur pays.

Et puis, signe de la liberté nouvelle, le voile n’a plus enveloppé le corps des jeunes filles de la ville.

Un jour, il n'a plus été là. Disparu. Et les jeunes filles, les filles des mères (certaines avaient participé à la lutte) qui avaient laissé l