Que diriez-vous si je venais faire sauter la tour Eiffel sous prétexte qu'elle peut être frappée par la foudre ?» D'un geste, Mahmut (1), le jeune guide ouïghour, embrasse les toits ocre et le labyrinthe de ruelles de Kashgar : «Tout aura disparu dans trois ans. Ils vont tout détruire, soi-disant pour notre sécurité.» Ils ? Le gouvernement, les colons chinois hans, ceux de son peuple qui «collaborent».«C'est une guerre culturelle qui a lieu ici, dit Mahmut, les Ouïghours ont déjà perdu.»
Guerre culturelle et guerre tout court. Hans et Ouïghours, qui cohabitent depuis près de soixante ans au Xinjiang, sont prêts à s'entretuer à tout moment. C'est arrivé le 5 juillet à Urumqi, la capitale provinciale. Ce dimanche sanglant, 197 personnes sont mortes, décapitées ou tabassées, la plupart du côté chinois. Un pur conflit ethnique que Pékin a déguisé en «émeutes de voyous», exactement comme au Tibet seize mois plus tôt. A Urumqi ou Kashgar, les derniers slogans du Parti couvrent les murs et résonnent dans les haut-parleurs : «Protégeons l'unité !»
Fumet de mouton rôti
Kashgar avait jusqu'ici échappé à l'«unité», synonyme d'uniformisation. Ville oasis perdue au bout du Far West chinois, elle est aussi proche d'Istanbul que de Pékin. La capitale est à une journée d'avion, l'Afghanistan à quelques heures de route, derrière les sommets glacés du Pamir. Mahmut, 20 ans, demande le nom de cet Allemand qui avait sauvé Paris de la des