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Libération
Reportage

L’amoral de l’histoire chinoise

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Défilés, tapage pyrotechnique… Alors que Pékin s’apprête à fêter les 60 ans de la République populaire, des artistes et des citoyens osent dénoncer une mainmise de l’Etat sur leur passé. Rencontres.
publié le 26 septembre 2009 à 0h00

Envoyée spéciale à Pékin

Photos Zhang Dali

Les deux filles n'ont pas tourné la tête. Vingt ans, minijupes et stilettos, elles restent lovées dans le canapé, fumant des havanes trop lourds pour leurs doigts filiformes. Ce samedi soir de septembre, au bar de l'hôtel Hyatt, la scène semble sortie de Lost in Translation : derrière l'immense baie vitrée du soixantième étage, Pékin s'offre en vue panoramique. Brume sur le central business district, néons aux couleurs changeantes découpant les silhouettes des tours. Ce soir, il se passe quelque chose à l'ouest.

Un feu d'artifice fuse au-dessus du carré illuminé de la place Tiananmen. On distingue les flashs bleus et rouges des gyrophares, des chars, des colonnes d'hommes en uniforme. L'Armée populaire de libération est en pleine répétition de sa parade du 1er octobre, soixantième anniversaire de la fondation de la République. «Une fête populaire grandiose», a promis le gouvernement, avec spectacle de masse et défilé militaire exceptionnel, le premier depuis dix ans. Les deux filles s'en fichent. La fête, pour elles, c'est l'ambiance rouge du Hyatt et les basses assourdissantes du DJ anglais.

Amnésie obligatoire

En bas, le quartier est bouclé. Des files de blindés stationnent le long des avenues, des militaires en armes barrent les accès. Le temps venu, le Parti communiste saura mobiliser quelques-uns de ses 70 millions de membres pour mettre en scène une liesse populaire bien ordonnée. Mais pour l’h