C'est le spectacle du samedi après-midi. On y assiste en famille et les enfants sont aux premières loges. Au bord du Rio Grande qui sépare le Mexique des Etats-Unis, les commentaires vont bon train sur la scène qui se déroule à une cinquantaine de mètres. Derrière le cordon de sécurité dressé par des militaires, un couple gît dans une flaque de sang, à même le sol en terre battu de ce quartier pauvre et poussiéreux de Ciudad Juárez (Etat de Chihuahua, nord du Mexique). La femme a la jambe déchiquetée. L'homme a le crâne défoncé. Ils viennent d'être fauchés par des rafales de kalachnikov. Le crime porte la marque des narcotrafiquants. Les voisins ont tout vu, tout entendu, mais se révèlent incapables de donner le moindre signalement. A Ciudad Juárez, capitale mexicaine du crime organisé, on peut être catalogué «mouchard» et se faire liquider pour moins que ça…
Une vingtaine de douilles dispersées autour des corps : c'est la seule piste dont disposent les enquêteurs. En admettant qu'il y ait une enquête. Une centaine de militaires et de policiers ont fait acte de présence sur les lieux du crime et bouclent le quartier. Mais cela reflète davantage la surpopulation des forces de sécurité dans la ville que l'amorce d'une enquête sérieuse. «Il y a minimum dix exécutions par jour, quinze les jours fastes», déclare un policier municipal, en clignant de l'œil à l'intention d'un groupe de soldats. Ensemble, ils forment l'une de ces patrouilles mixtes qui veillent sur