Jacques Diouf est directeur général de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Comment expliquez-vous la progression importante de l’insécurité alimentaire et la multiplication des risques de famine ?
Nous avons dépassé le milliard de personnes en état d’insécurité alimentaire… contre 830 millions en 1996. Les risques de famines sont aggravés par des phénomènes climatiques extrêmes. Les situations de famines existent au Bangladesh, au Kenya, en Somalie, en Ethiopie, en Erythrée, en Inde ou encore au Guatemala, qui vient de décréter «l’état de calamité nationale». La Somalie fait face à la pire crise qu’elle ait connue depuis dix-huit ans. La moitié de sa population, 3,6 millions de personnes, a besoin d’une aide urgente. Parmi elles, plus d’un million de ruraux sont confrontés à une grave sécheresse.
Le changement climatique est-il responsable de cette détérioration ?
Son impact est important. L'Inde, par exemple, vient de subir deux situations climatiques extrêmes : une région frappée par la sécheresse pendant qu'une autre était inondée. Mais d'autres éléments expliquent ces urgences. Si nous regardons la Corne de l'Afrique (Erythrée, Ethiopie, Somalie, Kenya…), seulement 1 % des terres arables sont irriguées. La population dépend de la pluviométrie. Lors de la dernière grande crise alimentaire en Afrique de l'Est, j'avais dit à Kofi Annan [ex-patron de l'ONU, ndlr] : «Nous allons encore envoyer de l'aide, des artistes organiseront de grands concerts pour sensibiliser l'opinion publique. Mais très vite nous aurons une autre crise si nous n'agissons pas sur les causes structurelles du problème et nous constaterons