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portrait

Toujours sans mes filles

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Ezzedine Aboulaïch. Il y a huit mois, un obus de Tsahal tuait trois des filles de ce médecin palestinien, figure appréciée en Israël.
publié le 19 octobre 2009 à 0h00

Qu’est-ce qui reste lorsqu’il ne reste plus rien ? Qu’est-ce qui nous tient lorsqu’on a perdu ce à quoi l’on tenait le plus ? Qu’est-ce qui résiste quand la vie nous a lâchés ? Comment vivre lorsqu’on est déjà mort ? D’emblée, on ne peut pas s’empêcher de chercher au fond des yeux du docteur Ezzedine Aboulaïch une lueur d’explication, un début de réponse, mais ils sont tellement sombres qu’ils ne renvoient rien d’autre que leur propre lumière, venue de l’intérieur, comme deux puits de charbon phosphorescents.

Avant d'avoir un visage, un nom, une histoire, le docteur Ezzedine Aboulaïch est une voix, un sanglot interminable, une douleur insupportable. Pendant la guerre de Gaza, des millions de téléspectateurs l'ont entendu, le 16 janvier, pleurer sans retenue, en direct sur une chaîne de télé israélienne, la mort de trois de ses filles, pulvérisées par un obus de tank. Ce médecin, spécialisé en gynécologie, qui travaille en semaine au complexe hospitalier de Tel-Hashomer, près de Tel-Aviv, est une figure connue du public israélien. Parce qu'il parle l'hébreu et qu'il défend des positions modérées, les médias israéliens l'interviewent régulièrement sur ce qui se passe à Gaza. Ce jour-là, Shlomi Eldar, de la chaîne 10, l'appelle sur son portable pour prendre des nouvelles de la guerre en cours. Une première fois, le médecin ne décroche pas. Shlomi Eldar insiste et branche le haut-parleur, en direct sur le plateau. «Ya Allah ! Mes filles, mes filles», hurle le médecin ava